Axes de recherche
Axes
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Axe Histoire des théories de la justice sociale
Responsable : Nathalie Sigot
L’axe de recherche « Histoire des théories de la justice » prolonge pour la période 2023-2028 les questions développées dans le cadre du programme scientifique défini pour la période précédente.Au-delà des travaux individuels, qui réunissent de nombreux membres de PHARE autour de cette thématique de la justice, le séminaire des Après-midis de philosophie et d’économie continue à accueillir des présentations de collègues extérieurs à Paris 1 sur ce même thème. En interne, l’accent est mis sur les interactions avec les doctorants, dans la continuité de la soutenance de thèse de P. Januard (2022) : la soutenance de la thèse de P. Verger sur R. Dworkin a eu lieu en 2023, tandis que PHARE accueille depuis septembre 2022, T. Peronnet dont le projet porte sur les débats entre Harrod et Robbins, à propos de l’économie du bien-être. Parallèlement et afin d’encourager les recherches sur la thématique du genre du point de vue de la justice, le séminaire mis en place en 2019 au sein de la spécialité recherche (histoire de la pensée économique) du master SES (sous la responsabilité de L. Bréban), partagé avec le master « Etudes sur le Genre », se poursuit et permet de faire intervenir des membres de PHARE et d’autres équipes. En termes de trajectoire, l’axe sur les théories de la justice se renforce, avec le développement en son sein de deux projets autour de la question de la mobilité en lien avec la justice et le genre.
Projet Mobilité et vulnérabilité : concepts et politiques.Porté par Ariane Dupont-Kieffer et Nadeera Rajapakse.
Participation de Nathalie Sigot, Laurie Bréban et Hélène Bénistand.
Doctorante : Emmanuelle Kalfon (la représentation de la vulnérabilité dans les arts).
Ce projet propose d’aborder les notions de mobilité et de vulnérabilité dans la pensée économique. Les travaux d’Amartya Sen permettent de faire le lien entre les différentes approches de la mobilité et de la vulnérabilité.
L’étude de ces deux concepts s’appuie d’abord sur une histoire des femmes dans le champ de l’économie des transports à partir de l’organisation d’un Witness Seminar consacré au rôle des femmes dans le développement interdisciplinaire des théories et des études relatives au système de transport et de mobilité. Le projet cherche à comprendre le déploiement de la question de la mobilité des femmes et ses conséquences sur :1/ l’analyse théorique, le développement de nouveaux outils méthodologiques mais également sur la collecte de données ;
2/ la définition et la mise en place de politiques de transport au niveau des opérateurs, des décideurs publics locaux et nationaux et leur articulation à d’autres politiques publiques relatives à l’emploi, la santé et l’éducation.
L’étude de la question des femmes dans les transports conduit l'équipe de recherche à s'interroger sur la relation entre vulnérabilité et mobilité au sens large de migration ou de mobilité pendulaire. Elle propose de réfléchir à la façon dont la vulnérabilité des femmes migrantes pour le travail peut être analysée en croisant l’approche par les capabilités avec les études du genre et les études en transport.
Ces questions de politique publique relatives aux vulnérabilités et aux mobilités des femmes sont plus largement abordées sous l’angle de la justice sociale. La construction d’un indicateur est au cœur d’un partenariat avec la Chaire NDU (New Deal Urbain) hébergée à l’Ecole d’Economie de Paris (PSE). Le projet a débuté en septembre 2022. Des premiers résultats ont été donnés en juillet 2023 : un prototype du Qasem développé avec l’entreprise PTV, un projet d'article pour le TRB Annual Meeting (Transport Research Board Meeting at National Academies) de janvier 2024 puis à la conférence Equity organisée par le TRB en Juillet 2024.
A l’instar du QALYs en économie de la santé, il s’agit de construire un indicateur composite qui permet d’évaluer d’une part la dimension durable et inclusive (transport accessible et abordable rapporté aux émissions de polluants locaux et de gaz à effet de serre et à l’énergie consommée) et d’autre part le risque pour la santé et la vie lors du déplacement (sécurité et sûreté, et santé). Cet indicateur permettra de comprendre combien sont intriquées les innovations pour une mobilité durable (technologiques comme la voiture électrique ou économiques comme le péage) et les enjeux en termes de capital humain, notamment en termes de santé et d’accidentalité, et de développement des activités humaines dans l’espace.
Cet indicateur a fait l’objet de présentations lors de séminaire en 2020 et 2022 (séminaire du LMA, Séminaire Justice et Intérêt). La recherche est financée par la Chaire NDU et PHARE. -
Axe Décisions, bien-être, confiance, engagement
Responsables : Victor Bianchini, André Lapidus
L’axe "Décision, Bien-être, Confiance, Engagement" se propose de rassembler les efforts et compétences de ses membres autour des quatre rubriques suivantes :
1) décision, risque et rationalité ;
2) Bonheur, bien-être ;
3) Rôle des émotions ;
4) Utilitarisme ;
Ces rubriques peuvent être entendues comme autant de projets, combinant des problématiques liées aux décisions individuelles ou collectives, à leur évaluation en termes d’états mentaux (bien-être ou bonheur) et à leur insertion dans des perspectives morales ou politiques, typiquement illustrées par l’utilitarisme.
Les projets
La remise en question de la perception que nous pouvons avoir aujourd’hui de l’histoire des théories de la décision et du bien-être est à l’origine des projets que l’axe DBEA se propose de mettre en œuvre. Cette perception nous invite volontiers à les considérer comme les produits d’un progrès d’abord ininterrompu depuis le XVIIIe siècle, puis différenciant les analyses et les méthodologies depuis quelques dizaines d’années.
La première phase – la phase de progrès – émerge aussi bien des ouvrages généraux aujourd’hui classiques en histoire de la pensée économique (par exemple, J. Schumpeter 1954) que d’analyses plus spécifiques, portant sur la théorie de l’utilité (G. Stigler 1950 ; E. Kauder 1965). Ses différentes étapes semblent aujourd’hui bien connues : a. même si la quête des précurseurs permet à certains auteurs de remonter jusqu’à Aristote (Kauder 1965), son début communément admis est, dès la fin du XVIIIe siècle, celui de l’économie classique, de l’émergence de l’utilitarisme benthamien et des controverses sur la valeur-utilité (Stigler 1950) ; b. une évolution notable est constituée par l’irruption des différentes variantes du marginalisme à partir des années 1870 chez Jevons (1871), Menger (1871) et Walras (1874), qui inaugura un nouveau mode de compréhension des comportements individuels et conduisit à réviser les conceptions anciennes de la valeur-utilité ; c. la confrontation d’un paradigme paretien (Pareto 1896) et d’une tradition utilitariste (Edgeworth 1881, Sidgwick 1883), qui affecta dès le début du XXe siècle tant la théorie de l’utilité individuelle que le traitement des évaluations collectives de bien-être (Hicks et Allen 1934, Lerner 1934) ; la clarification opérée par des axiomatisations qui, à partir des années 1950, touchèrent aussi bien la théorie de la décision individuelle (Debreu 1954, 1959 ; en situation de risque (von Neuman et Morgenstern 1947), d’incertitude (Savage 1954) et dans le temps (Koopmans 1960)) que la théorie de la décision collective à travers la question du choix social (Arrow 1951, 1959).
La seconde phase est marquée par une diversification analytique et méthodologique, couramment associée à l’essor de l’économie expérimentale et comportementale. Son point de départ reste discuté : pour les uns (Roth 1995, Guala 2008, Moscati 2018), il s’agit des années 1950, lorsque commencèrent les expérimentations suscitées par la théorie de l’utilité espérée ; pour les autres (Heukelom 2014), il s’est agit du behavioral turn, typiquement incarné par la première version de la prospect theory (Kahneman et Tversky 1979). Mais quel que fut ce point de départ, il met en évidence l’abandon de l’idée d’un progrès linéaire. Alimentés au moins partiellement par l’essor de la théorie des jeux, le développement de l’économie expérimentale à partir des travaux de D. Davidson (1957) et par la confrontation avec la psychologie (Mosteller et Nogee (1951), on vit émerger une succession ininterrompue de paradoxes, intéressant là encore la décision individuelle et collective, souvent passés à la postérité à travers le nom de leur initiateur (Arrow 1951, Allais 1953, Ellsberg 1961, Newcomb (Nozick 1969)) ou, plus simplement, leur caractérisation (impossibilité du libéral paretien (Sen 1970), inversion de préférence (Lichtenstein et Slovic 1971), incohérence temporelle (Strotz 1956). Comme on le sait, ces paradoxes ne furent pas à l’origine du décès (annoncé, mais encore à venir) de tel champ disciplinaire, mais plutôt d’un foisonnement de réponses analytiques (fonction de valeur (Kahneman et Tversky 1979), utilité dépendant du rang (Quiggin 1982), escompte hyperbolique (Ainslie 1975), désormais éloigné du traitement unificateur simple que le début du XXe siècle semblait encore annoncer.
Face à cette histoire en deux phases, nous faisons apparaître i) que la phase linéaire présente elle-aussi des arborescences relativement négligées ; ii) que la période précédant l’émergence du marginalisme fut plus féconde que ce qu’en suggère une lecture rétrospective ; iii) que si la deuxième phase apparaît en rupture avec la première, elle fait souvent écho à des perspectives ouvertes là encore avant le marginalisme. Si bien que, à travers des représentations théoriques variées, nous sommes amenés à revenir sur les primitives de nos analyses de la décision et du bien-être, souvent en prenant en compte d’emblée la présence d'autrui comme élément constitutif.
Ceci nous conduit à inscrire dans le projet DBEA les opérations suivantes, non exclusives :
(A) Mécanismes décisionnels : Ceci recouvre des questions comme le rôle des sensations de plaisir et de peine ; l'existence d'une sensibilité asymétrique ; la dépendance à la référence ; l’introduction des normes implicites ou formelles pour orienter la décision ; la prise en compte des probabilités dans les décisions dans le risque ; les déterminants des décisions dans le temps ; les relations entre décision dans le risque et décision dans le temps ; les conceptions alternatives de la rationalité.
(B) Evaluations en termes de bien-être : Il s'agit des relations entre décision et bonheur, envisagées à travers leurs évaluations et les mécanismes qui régissent leur identification.
(C) Détermination morale des décisions : Ceci conduit à envisager tant les différentes variantes de l'utilitarisme et du conséquentialisme qu’on lui prête (typiquement, chez Bentham, Mill ou Sidgwick), que des mécanismes qui lui semblent étrangers, comme celui de la sympathie (chez Hume et Smith) ou, chez Smith encore, dans le processus qui conduit à l’émergence d’un spectateur impartial, susceptible d'orienter des décisions individuelles. Cela permet de faire apparaître une histoire du calcul moral aussi bien chez des auteurs préutilitaristes que chez des utilitaristes classiques.
(D) Enjeux politiques des représentations collectives : Le calcul moral mobilisé à l’échelle politique, comme le calcul utilitariste, peut concerner autant des questions en relation avec le malthusianisme, les Old Poor Laws, la sécurité, que le commerce en temps de guerre ou, plus généralement, l’impérialisme de l’Empire britannique.
Ces quatre projets, dans le prolongement des travaux déjà réalisés, conduisent à privilégier historiquement quatre périodes :
(i) Au XVIIIe siècle, la période des Lumières, en Ecosse à travers les figures de Hume et de Smith, et en France avec des auteurs généralement peu associés à la réflexion économique comme Diderot.
(ii) Au XIXe siècle, les écrits de Bentham et les différentes strates de l’utilitarisme qui prolongent son enseignement.
(iii) Au XXe siècle, le tournant des années 1930 et les débats qui marquèrent la compréhension de l’utilité.
(iv) Les années 1970 avec l’émergence de l’économie du bonheur
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Axe Économie, littérature et fictions
Responsable : Claire Pignol
L’axe "Economie, littérature et fictions" et sa responsable, Claire Pignol, ont initié la création d’un réseau qui associe des chercheurs issus de l’économie, de la littérature et de la philosophie en France, en Allemagne, en Italie et en Suisse. Les collaborations initiées depuis plusieurs années sont amenées à se poursuivre. En particulier, l’axe coopère avec l’université de Kassel (Allemagne) où le département de lettres romanes offre un BA et un MA de culture et économie. Des journées d’étude « Imaginaires de la richesse » ont été organisées en juin 2024 et ont vocation à se poursuivre.
De manière générale, les thèmes et questions traités dans cet axe ne sont pas séparées des questions théoriques qui nous mobilisent : la confrontation aux œuvres littéraires met à l’épreuve les hypothèses théoriques de de l’économie et de la philosophie morale.
En particulier, l’axe "Economie, littérature et fictions" s’inscrit :
- Dans le projet « Origines et limites de la richesse » porté par l’axe « croissance et développement ». Dans une société acculée à sortir d’une aspiration à une croissance infinie, les textes littéraires donnent à penser les rapports qu’entretiennent les agents économiques à la richesse. Sous sa forme monétaire, la richesse repose sur le désir d’argent, qui relève de la mauvaise chrématistique d’Aristote. Comment ce désir est-il éclairé par les personnages d’avares qu’offrent aussi bien le théâtre et le roman réaliste ? Comment réagit l’économiste à ces personnages qui défient la rationalité la plus élémentaire en renonçant aux jouissances pour une richesse abstraite ? Sous sa forme réelle, composée de biens et de services, la richesse questionne les différents motifs du désir de consommation : utilitaire, statutaire, éthique et esthétique.
- Dans le thème « Colonisation et altérité de l’axe « colonisation ». Le personnage de Robinson Crusoé a pu être lu comme l’incarnation de l’européen colonisateur. Les réécritures qu’en ont donné M. Tournier ou P. Chamoiseau font surgir des questions relatives à l’identité des personnages : que disent la permanence de leurs aspirations ou, à l’inverse, leur mutation sous l’effet des rencontres, sur ce qui constitue l’identité de chacun et se possible évolution ?
Le séminaire annuel Fiction et Economie se poursuit sous la supervision de Claire Pignol avec pour comité d’organisation Louis Azan (doctorant associé co-dirigé par Nathalie Sigot) et Vincent Zanello (doctorant associé co-dirigé par Ariane Dupont-Kieffer).
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Axe Croissance, développement et crises
Responsable : Goulven Rubin
L’axe Croissance, développement et crises a pour objet entre 2023 et 2028 l’histoire de la macroéconomie dans la lignée de l’axe Crises et institutions du précédent quinquennal. Les recherches de Victor Bianchini, Matthieu Renault et Goulven Rubin ces dernières années et la volonté de tirer parti des compétences accumulées au sein du laboratoire sur les 18e et 19e siècles ont conduit à orienter le projet de l’axe dans les directions suivantes :
(1) Projet “Origines et limites de la richesse”La question de la croissance économique, à l’origine de la science économique, a gagné en importance depuis la fin des années 1980, grâce à l’accessibilité de données macroéconomiques internationales et à l’émergence des théories de la croissance endogène (Paul Romer, Robert Lucas, Philippe Aghion et Peter Howitt). Cette littérature impose ses conclusions
(a) sur les origines historiques de la croissance
(b) les causes du sous-développement
(c) le postulat selon lequel la croissance à long terme est désirable.
L’objectif du projet « Origines et limites de richesse » est d’évaluer l’apport des théories de la croissance endogène à partir d’une mise en perspective historique. Les recherches menées au sein de ce projet transversal se déclinent selon trois thèmes développés ci-dessous. Ce projet a motive un appel à projet qui a été déposé par Matthieu Renault en 2023. Il est prolongé par l’organisation d’une conférence en 2024 en lien avec les Cahiers d’économie politique. Un projet CAPES-COFECUB est aussi en discussion avec Pedro Garcia Duarte (INSPER Institute, Brésil). L’enjeu est de constituer un réseau de chercheurs pour déposer un projet ANR à l’horizon 2025. Un volume collectif est l’objectif final.
Origines historiques de la croissance : Un pan de la littérature sur la croissance endogène est consacré à la question des origines historiques de la croissance. Un des cas les plus emblématiques de cette littérature est l’ouvrage d’Acemoglu et Robinson, Why Nations Fail: The Origins of Power, Prosperity, and Poverty (2012) ou les ouvrages plus récents d’Oded Galor (2022) ou de Mark Koyama et Jared Rubin (2022). Le projet analysera la façon dont ces économistes construisent leurs récits historiques en prêtant une attention particulière au rôle des modèles théoriques dans cette entreprise. Il confrontera aussi l’histoire produite par ces économistes à celle de grands auteurs comme Smith, Marx ou Schumpeter ou aux travaux des historiens contemporains. (Bréban, Dellemotte, Bianchini, Renault, Rubin, Manseri)
Développement et croissance : L’affirmation des théories de la croissance endogène à partir des années 1980 s’est accompagnée du déclin de la vieille économie du développement (Arthur Lewis, Albert O. Hirschman, Celso Furtado, Raul Prebisch), champ longtemps considéré comme indépendant des théories de la croissance. Dans quelle mesure peut-on affirmer que les théories de la croissance endogène ont aboli la distinction entre croissance et développement ? Sur la base de quelles justifications théoriques et empiriques ? (Dupont-Kieffer, El Farouki, Gaillard, Renault, Rubin)
Limites de la croissance : L’économie politique classique (à l’exception notable de John Stuart Mill) s’accordait sur la perspective pessimiste d’une croissance stationnaire à long terme. Robert Solow introduit une rupture en montrant que le progrès technique permet d’échapper à l’état stationnaire. Ce pessimisme n’est pas partagé non plus par les théories de la croissance endogène. Leur compréhension des origines de la croissance les conduit à une approche qui néglige la question environnementale pour mettre en avant le problème de la démographie (Jones, 2022). Des travaux existent sur la confrontation, dans les années 1970, entre Solow et ses élèves et les auteurs du rapport Meadows (Erreygers, 2009 ; Couix, 2016 ; Gaspard et Missemer, 2022) mais l’histoire des 40 dernières années reste à écrire. Ces travaux pourront aussi être discutés dans une perspective philosophique ou au regard des travaux développés dans l’axe Economie, littérature, fictions. (Claire Pignol, Goulven Rubin)
(2) Projet Macroéconomie empirique
Ce projet vise à produire une histoire alternative de la macroéconomie qui prenne en compte l’importance des travaux empiriques dans l’évolution de la discipline. Il implique Goulven Rubin et Ariane Dupont-Kieffer avec Roger Backhouse (Université de Birmingham), Béatrice Cherrier (CREST, Ecole Polytechnique), Kevin Hoover (Université Duke), Pedro Garcia Duarte (INSPER Institute), Aurélien Saïdi (EconomiX, Université Paris Nanterre), Hsiang-Ke Chao (National Tsing Hua University, Taiwan). Ce projet remonte à 2017. Il a donné lieu à la publication d’un volume spécial de la revue History of Political Economy contenant des articles de Dupont-Kieffer et Rubin en 2018. Des séminaires à distance ont été organisés. Un workshop s'est tenu 2024 à Paris.
(3) Projet fondements et nature de la macroéconomie
Les membres de l’axe s’intéressent toujours à des questions relatives aux fondements et à la nature de la macroéconomie en lien avec la littérature qui se développe depuis plusieurs années. Goulven Rubin prévoit la rédaction d’un ouvrage sur le lien entre la macroéconomie et la théorie walrassienne de l’équilibre général à partir de ses travaux antérieurs. Avec Matthieu Renault, il continue d’explorer l’histoire de la théorie du déséquilibre et la question de l’intégration des banques et de la finance à la macroéconomie. Ariane Dupont-Kieffer a des travaux en cours sur la contribution de Ragnar Frisch à la planification dans les pays en voie de développement après la seconde guerre mondiale et sur le lien entre macroéconomie et ingénierie. La thèse de Benjamin Leray en cours sur Solow et le lien entre macroéconomie et économie du travail dans les années 1970 et 1980 et celle d’Ivan Salin sur l’étalon-or dans la pensée des néolibéraux complètent ces travaux.
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Axe Colonisations
Responsables : Laurie Bréban et Jean Dellemotte.
A. Descriptif du projet
Cet axe se propose de tirer parti des recherches réalisées par plusieurs membres de PHARE sur les relations internationales et l’esclavage au XVIIIème et XIXème siècles pour aborder le thème de la colonisation moderne et interroger le regard porté par l’Occident sur l’Outremer, du point de vue de l’histoire de la pensée économique. Au-delà des questions liées à l’analyse économique de l’esclavage et aux bénéfices commerciaux de l’Empire sur lesquelles portent prioritairement les travaux existants, nous proposons de développer les thèmes suivants :
1. Colonisation et esclavage
L'équipe souhaite d’abord mettre en parallèle les débats sur l’esclavage et ceux concernant les empires coloniaux. Il s’agit, en tenant compte des contextes, de déterminer si arguments économiques et convictions morales avancés par les auteurs qui abordent ces thèmes s’opposent, concordent ou se complètent. Nous nous interrogeons également sur la continuité et les ruptures entre les types d’arguments mobilisés lorsqu’ils passent d’une question à l’autre : ceux qui s’opposent à l’esclavage s’opposent-ils également aux colonies ou à l’impérialisme, et le font-ils sur la base des mêmes types d’arguments ? Le passage d’une question à l’autre permet-il d’identifier des contradictions dans leur pensée ? Quelles places occupent plus spécifiquement les thèmes du commerce triangulaire et de l’abolition – qui met en jeu les questions de la propriété et de l’organisation du travail - dans ce faisceau de réflexions ? Quelle est la participation des économistes aux débats portant sur l’indemnisation des propriétaires d’esclaves à la suite à l’abolition ?
2. Colonisation, croissance et progrès
Pour certains penseurs (Smith, Ricardo, Mill, Say, Molinari...), l’analyse de la colonisation s’accompagne d’une vision du progrès et/ou de l’histoire. Existe-t-il des spécificités communes aux visions du progrès défendues par les partisans de l’Empire ou, au contraire, par les auteurs anti-impérialistes ? Comment celles-ci les conduisent-elle à envisager les relations entre colonisateurs et colonisés ? La colonisation s’accompagne-t-elle inévitablement d’effets bénéfiques sur les populations conquises ou au contraire de persécutions ? Certains auteurs tentent-ils de justifier ces dernières ? Les colonies de peuplement sont-elles distinguées des colonies-comptoir sous les rapports de la croissance et du « progrès » ?
3. Colonisation et altérité
Les colonisations ont aussi été le théâtre d’une multiplication des observations de l’Occident sur les populations ultramarines, et le prétexte à l’élaboration de comparaisons multiples entre « civilisation », « sauvagerie » et « barbarie ». Ces thèmes, amplement abordés par d’autres discipline, ont été relativement négligés par les historiens de la pensée économique. Aussi souhaitons-nous explorer le regard de la pensée économique sur les populations ultramarines sous divers aspects : quelle(s) vision(s) des populations colonisées et/ou asservies émerge(nt) des discours des économistes ? Quelle « rationalité » ces derniers prêtent-ils aux populations conquises ? Quel fut le rôle joué par la figure du « sauvage » (et/ou du « barbare ») dans l’édification de l’économie politique et plus généralement de la « science des mœurs » ? L’émergence de l’économie politique bouleverse-t-elle le regard porté sur l’altérité ? L’histoire conjecturale implique-t-elle une vision « compréhensive » des populations ultramarines ? Les discours des économistes peuvent-ils être considérés comme « racistes », « antiracistes », eurocentrés, relativistes, etc. ?
B. Réalisations en cours et envisagées
Le projet s’appuie sur la constitution d’un réseau de chercheurs confirmés. Outre plusieurs membres internes au laboratoire (Victor Bianchini, Laurie Bréban, Jean Dellemotte, André Lapidus, Nadeera Rajapakse, Nathalie Sigot, Philippe Steiner), il mobilise des chercheurs d’Universités telles que l’American University of Paris, l’Université de Lorraine, l’Université de La Réunion.
Il a donné lieu et donnera lieu à : la création d’ateliers fermés pour discuter les contributions des participants ; l’invitation de chercheurs spécialistes de la colonisation dans le cadre du séminaire externe des Après-midis de Philosophie et Economie ; l’utilisation du statut de « Professeur invité » pour faire intervenir, dans le M2 Histoire de la pensée économique, des chercheurs internationaux spécialistes de la colonisation susceptibles d’être intégrés au projet et cela afin de former par la recherche les étudiants à l’histoire de la pensée économique de la colonisation ; la réponse positive suite à l’appel à projet de l’Université Paris 1, au titre de la politique scientifique, permet d'envisager de financer des projets en émergence pour l’amorçage d’un programme ANR.
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Projet fond ancien du CESDoc
Responsables : Laurie Bréban et Jean Dellemotte.
La Commission de la recherche de l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne a voté, en 2022, l’attribution d’une enveloppe budgétaire pour la remise en état du fonds ancien et précieux conservé au Centre de documentation du CES suite à une demande conjointe des laboratoires CES et PHARE.
Ce fonds, hérité des anciennes Salles de Statistique et d’Économie politique de la Faculté de Droit de Paris, est actuellement conservé dans les magasins du Centre de documentation. Ce fonds a été constitué au XIXe et XXe siècles grâce aux acquisitions, aux dons et aux dépôts effectués par la Société de statistique de Paris. L’un des dons les plus notables est celui du professeur « Edgar Depître » qui comporte plus de 500 textes majeurs de la pensée économique en langue française ou traduit en français du XVIIe jusqu’au XIXe siècle.
Un groupe de travail composé de chercheurs des laboratoires liés au CESDoc (trois chercheurs du CES et quatre chercheurs de PHARE), d’un conservateur de bibliothèque de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne chartiste de formation, de deux documentalistes et d’une vacataire doctorante à PHARE a été mis sur pieds. Ce groupe de travail a identifié six axes de travail pour sauvegarder et mettre en valeur le fond ancien :1. Les mesures, prioritaires, de sauvegarde immédiate du fonds ancien. Il s’agit d’identifier et de restaurer les volumes endommagés et de mettre le fonds ancien en sécurité.
2. Accessibilité du fonds ancien et du fonds d’histoire de la pensée économique, rendus disponibles à l’ensemble des chercheurs grâce notamment à un programme de numérisation.3. Développement du fonds d’histoire de la pensée économique (cote B).
4. Actions de valorisation du fonds ancien. Celles-ci pourront être conduites à travers des expositions coordonnées avec des manifestations internes à Paris 1 ou externes (Journée de la Science, par exemple).5. Projet « Edgar Depitre et la pensée économique à l’aube 20e siècle ». Ce projet consiste à étudier la figure d’Edgard Depitre, au nom duquel le fonds est associé, ses travaux et le contexte intellectuel dans lequel ceux-ci ont vu le jour. Ces thématiques sont susceptibles d’alimenter des contrats doctoraux ou postdoctoraux. Les pistes suivantes sont envisagées :
a. Le rôle de la Revue d’Histoire des doctrines économiques, devenue en 1913, Revue d’Histoire économique et sociale, dans l’évolution de l’histoire de la pensée économique dans la période 1900-1920 (sur la période 1880-1930. En tant que secrétaire de rédaction puis co-directeur de la revue, Depitre est engagé dans sa transformation. En tant qu’éditeur, il lance un programme de réédition d’économistes français du XVIIIe siècle où sont engagés plusieurs intervenants et responsables éditoriaux de la Revue d’Histoire des doctrines économiques (A. Dubois, A. Deschamps, H. Vouters, E. Dolléans). A travers ses relations avec son beau-frère, E. Dolléans, Professeur d’économie, historien et militant, il s’intéresse au mouvement ouvrier.
b. La représentation de la pensée économique du XVIIIe siècle à travers le travail éditorial engagé dans la Collection des économistes et des réformateurs sociaux de la France. Depitre y édite Le Mercier de la Rivière (1910), Herbert (1910), Montaudouin de la Touche (1910), Dupont de Nemours (1911), Abeille (1911) avec, à chaque fois, une notice substantielle.
c. Les travaux de Depitre lui-même, pendant la brève période qui sépare sa première thèse en 1905 et son incorporation en 1914.
c. 1) On y retrouve un intérêt marqué pour la pensée économique du XVIIIe siècle français, qui se manifeste dans son travail éditorial susmentionné, mais aussi au travers des thématiques articulant histoire des faits et histoire des idées telles que son ouvrage sur La toile peinte en France au XVIIe et au XVIIIe siècles (1912), son travail sur la noblesse commerçante de 1756 à 1759 (1913), son analyse des débats relatifs à la création d’une caisse générale du commerce en 1751 à Lille (1914) ou encore son article sur les prêts au commerce et aux manufactures de 1740 à 1789 (1914).
c. 2) Les ouvrages issus de ses thèses de Doctorat (1905 et 1907) témoignent de son intérêt pour les questions financières et la régulation des marchés.
c.3) Un engagement d’expert dans les débats publics qui le conduit, par exemple, à rédiger un rapport sur le temps de travail des employés (par opposition aux ouvriers et aux enfants) (1911), dont la discussion est l’occasion d’échanges avec, notamment, A. Aftalion. Ce rapport, réalisé pour la section du Nord de l’Association Française pour la Protection Légale des Travailleurs, suggère également la possibilité d’une proximité avec les travaux et les engagements d’Edouard Dolléans.
d. La place de l’histoire de la pensée économique au sein de l’Université Paris 1 et son évolution : l’histoire du fonds ancien témoigne de l’existence d’une tradition au sein de notre université en histoire de la pensée économique, qui n’a fait jusqu’ici l’objet d’aucune recherche systématique.
6. L’accueil d’archives d’économistes et leur mise à disposition des chercheurs. Deux modèles associant centre de recherche, bibliothèque et accueil d’archives intéressent particulièrement les historiens de la pensée économique : 1) Le Centre Walras Pareto (Université de Lausanne), en relation avec la Bibliothèque Cantonale Universitaire de Lausanne, accueille dans ses locaux les archives de Walras, Pareto, Juglar et Scalfati. 2) Le Center for the History of Political Economy (Duke University), en coopération avec la Rubenstein Library, qui accueille les archives de nombreux économistes récents. L’absence de structures de même nature en France a eu pour conséquence que les archives de Clément Juglar soient conservées à l’Université de Lausanne et celles de Maurice Allais à Duke University.Le volet préservation du « Fonds précieux » a commencé à être mis en œuvre en vue de stabiliser la conservation des ouvrages et de faire restaurer les ouvrages les plus abîmés après avis d’experts spécialisés dans les fonds anciens et après établissement de diagnostics par des ateliers de restauration-conservation. La restauration est pratiquement terminée en 2024.
Dans la période 2023-2028, PHARE entend poursuivre les 6 axes de travail identifiés pour le fonds ancien du Centre de Documentation en collaboration avec les chercheurs du CES intéressés par le projet en sollicitant de nouveaux financements.